17.10.06

Novembre 2006 : début de la phase d’impact de la crise systémique globale

En Mai dernier, dans le GlobalEurope Anticipation Bulletin N°5, LEAP/E2020 avait détaillé les quatre phases de la crise systémique globale, indiquant que la phase dite d’ « accélération » commencerait en Juin et s’étalerait sur une période de six mois maximum, moment où commencerait la phase explosive de la crise, dite « phase d’impact ».

Suite aux évolutions de ces derniers mois et du fait du rôle central joué par les Etats-Unis [1] dans le système global actuel, LEAP/E2020 est en mesure d’annoncer dans son numéro d’Octobre du GEAB (GlobalEurope Anticipation Bulletin N°8) que la phase d’impact va débuter courant Novembre 2006 et que le facteur catalyseur de ce changement de phase sera les élections de mi-mandat au Congrès des Etats-Unis qui se trouvent être le point nodal des principales lignes de fracture de l’actuel système global.

La phase d’accélération a consisté en la prise de conscience généralisée que le système global que nous connaissons depuis plusieurs décennies était en train de changer profondément et durablement comme l’illustrent les tendances suivantes désormais reconnues largement sur toute la planète [2]: aggravation des crises sur le nucléaire avec la Corée et l’Iran, impuissance générale des Etats-Unis sur toutes les crises majeures de ces derniers mois, y compris le conflit israélo-palestinien [3], guerre civile en Irak et enlisement américain dans ce pays au moins jusqu’en 2010 [4], sentiment croissant d’une défaite occidentale en cours en Afghanistan [5], effondrement de l’immobilier aux Etats-Unis [6], volatilité croissante du système des « hedge funds » [7], entrée en récession de l’économie US [8], aggravation des déficits commerciaux et des paiements américains [9], affaiblissement continu du Dollar [10], endettement croissant des ménages américains [11].



Figure 1 - Taux Réserve Fédérale US - Les points rouges indiquent les périodes lors desquelles
les taux courts étaient supérieurs aux taux longs comme actuellement. Source : NoSpinForecast

La phase d’impact qui succède à la phase d’accélération se caractérise quant à elle par le déclenchement d’une série de crises brutales affectant par contagion tout le système global. Cette phase explosive de la crise, qui durera de six mois à un an, affectera directement et très fortement les opérateurs et les marchés financiers, les possesseurs d’actifs à revenus fixes en dollars, les fonds de pensions et les relations stratégiques entre les Etats-Unis d’une part, et l’Europe et l’Asie.

Selon les analyses de LEAP/E2020, son impact sera beaucoup plus fort dans le secteur financier que ce que les prévisions laissaient penser au premier semestre 2006, car la mobilisation de ce même secteur aux Etats-Unis (et de ses relais de communication) pour préserver le contrôle du Parti Républicain sur le Congrès américain, a conduit à « euphoriser » l’opinion publique américaine et l’immense majorité des acteurs de ce secteur, afin que les dirigeants de ce même parti puisse prétendre à un bon bilan économique (seul thème de campagne à leur disposition depuis l’été 2006) [12]. Cette utilisation de tout un pan du système global à des fins électorales internes aux Etats-Unis a donc empêché la plupart des acteurs d’anticiper correctement les ruptures à venir et, va de ce fait, accroître considérablement le potentiel explosif de la phase d’impact dans ce secteur puisque les opérateurs y seront pris « à contre-pied ».

Au cœur de cette opération d’ « euphorisation » de l’électeur américain, on trouve en particulier la banque d’affaires Goldman Sachs. Cette dernière, dont l’ancien président, Henry Paulson est l’actuel ministre des finances américain, est ainsi à l’origine de la décision technique qui a provoqué artificiellement la chute des cours du pétrole ces dernières semaines, à savoir la modification de la part de l’essence dans la composition de son index GSCI (Goldman Sachs Commodity Index) qui fait référence sur le marché des matières premières de Chicago, et a conduit, en Août et Septembre 2006, les traders a devoir brutalement vendre 100 milliards de dollars US de « futures » pétroliers.



Figure 2 - Evolution Essence sans plomb - NYMEX - source AT-Bourse


Par ailleurs, on retrouve l’influence dominante de cette banque d’affaires, devenue le plus important hedge fund mondial, dans le « Groupe de travail sur les marchés financiers », (surnommé la « Plunge Protection Team »), créé par le décret présidentiel n°12631 [13], afin de « maintenir la confiance des investisseurs », et qui, sous la houlette de personnalités nommées par G.W. Bush, présidée par Henry Paulson, est en mesure d’activer l’ensemble des opérateurs influents sur les places de Wall Street ou Chicago.

LEAP/E2020 analyse ainsi, dans ce numéro spécial consacré à la « Phase d’Impact de la crise systémique globale », le détail du processus d’ «euphorisation » des acteurs en démontant les mécanismes utilisés pour convaincre électeurs américains et opérateurs financiers mondiaux que l’avenir est radieux alors que tous les indicateurs objectifs sonnent l’alarme [14]que ce soit en termes de croissance américaine, d’emploi [15], d’inflation, de maîtrise des risques stratégiques, etc…

Par ailleurs, l’équipe de LEAP/E2020 tente d’anticiper le mode de développement et les conséquences de la phase d’impact sur des secteurs ou opérateurs particulièrement exposés comme les opérateurs et marchés financiers, les possesseurs d’actifs américains à revenus fixes, les opérateurs impliqués dans l’industrie immobilière et de financement de l’immobilier et les fonds de pension.



Figure 3 - Prix de vente moyen - Maison individuelle monofamiliale


LEAP/E2020 s’est aussi attaché à anticiper le rôle des « hedge funds » dans le processus explosif de la phase d’impact, qui va transformer leur « mutualisation des risques » en une « contagion systémique du risque». A ce sujet, d’ailleurs, LEAP/E2020 lance une Alerte sur tout le secteur financier américain et en particulier sur les principaux « hedge funds » que sont devenus des banques d’affaires comme Goldman Sachs et les principaux « primary dealers » américains autorisés par la Réserve fédérale des Etats-Unis.

Pour l’équipe de LEAP/E2020, c’est maintenant que se révèlent publiquement les motifs qui ont poussé la Réserve fédérale US à arrêter la publication de la masse monétaire M3 en Mars dernier ; et les conséquences de cette stratégie vont prendre à contre-pieds tous ceux qui auront naïvement choisi de partager l’euphorie ambiante entretenue jusqu’à l’élection américaine de Novembre. Ensuite, comme l’explique la publication, c’est une toute autre histoire qui commence. Celle de la phase d’impact de la crise systémique globale.

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1. Cf. analyse dans le GEAB N°7 : « Elections législatives américaines – Novembre 2006 : Vers un blocage politico-institutionnel à Washington, avec d’importantes conséquences politiques, économiques et commerciales »

2. Alors qu’au premier trimestre 2006, quand LEAP/E2020 a produit ses premières anticipations sur le sujet, l’immense majorité des acteurs concernés et des opinions publiques dans le monde était convaincue des tendances inverses, voire niait que celles qui sont aujourd’hui évidentes puissent tout simplement apparaître dans l’avenir

3. Même l’opinion publique israélienne devient très critique sur l’impuissance des Etats-Unis dans la région comme le résume fort bien l’article « The Mystery of America » de Gideon Levy paru dans Haaretz du 09/10/2006

4. C’est ce que vient de déclarer le Chef d’état major inter-armées américain, le général Peter J. Schoomaker. Source CBS News, 11/10/2006

5. 89% des Européens sondés via le GlobalEuromètre estiment que l’OTAN est en train de perdre la guerre en Afghanistan

6. A ce sujet, il est intéressant de garder en mémoire la valeur anticipatrice des déclarations de l’actuel Président de la Réserve Fédérale américaine qui déclarait il y a un an qu’ « il n’y avait pas de bulle immobilière qui puisse exploser » (source Washington Post, 27/10/2005)

7. Ainsi, même la Chine se joint désormais aux voix s’inquiétant des risques croissants posés par le développement incontrôlé des « hedge funds ». Source West Australian / Daily Telegraph, 29/09/2006

8. Lire pour information la note sur l’emploi US du Center for Economic and Policy Research (CEPR, 06/10/2006).

9. Source Roubini Global Economics services, RGE, 12/10/2006

10. Ce numéro du Global Europe Anticipation Bulletin explique notamment pourquoi la tendance à la baisse du Dollar est actuellement temporairement stabilisée du fait de la proximité de l’élection américaine

11. Au-delà des dettes personnelles en accroissement incessant puisque le taux d’épargne continue à être négatif, USA Today a calculé qu’en y associant la dette publique, chaque ménage américain est désormais endetté à hauteur de plus de 500.000 US $. Source USA Today, 24/05/2006.

12. Il est ainsi très utile de remarquer que les interventions publiques du G.W. Bush, telles que référencées par le site du parti Républicain, ont vu leur thème central basculer intégralement de la lutte contre le terrorisme à la bonne santé de l’économie. Source : Discours de Septembre 2006, Discours d’Octobre 2006. Parti Républicain.

13. Source : Federal Register , US National Archives, 11/1998, Executive Order 12631 / Working Group on Financial Markets

14. Par exemple le Chicago Tribune du 9/10/2006 titre sa page « Affaires » sur l’accroissement des risques de récession. C’est le cas d’un grand nombre de médias américains régionaux très sensibles aux conséquences directes de l’effondrement de l’immobilier.

15. Lire pour information la note sur l’emploi US du Center for Economic and Policy Research (CEPR, 06/10/2006)




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