16.6.06

Les 4 étapes structurantes de la phase d’accélération de la crise systémique globale


Eléments d’analyse et décision pour les acteurs économiques et politiques

LEAP/E2020 a annoncé, le 15 Mai 2006 dans le GEAB N°5, que la phase II de la crise systémique globale, phase dite d’ « accélération » [1], commencerait au mois de Juin 2006 en étant caractérisée notamment par une prise de conscience désormais généralisée de l’existence de cette crise systémique globale. La chute forte et durable de tous les indices boursiers de la planète ces dernières semaines illustre parfaitement l’entrée dans cette période d’accélération de la crise [2] désormais évidente pour l’ensemble des acteurs économiques et financiers. Ces derniers voient soudain leurs « repères » se brouiller et leurs « certitudes » voler en éclat. Pourtant, pour l’équipe de LEAP/E2020, le processus même d’entrée dans cette phase II de la crise systémique globale [3] éclaire considérablement son déroulement. LEAP/E2020 a ainsi pu définir 4 étapes structurantes au sein de cette phase II. Ces quatre étapes pourront se chevaucher et s’étaleront donc tout au long de la phase II de la crise systémique globale sur une période de trois à six mois à partir de Juin 2006. Leur enchaînement déterminera fortement la nature de la phase III dite « phase d’impact ».
LEAP/E2020 a décidé de présenter deux de ces quatre étapes structurantes dans ce communiqué public, qui font par ailleurs l’objet d’analyses plus détaillées et de recommandations stratégiques et opérationnelles dans le GlobalEurope Anticipation Bulletin N°6 qui paraît le 15 Juin 2006 [4]:

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Etape 1 - Chute des bourses mondiales et la liquidation provisoire en Dollars
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Etape 2 - Prise de conscience de l’impasse de la politique des taux US : vers la stagflation ou l’hyper-inflation ?
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Etape 3 - Fuite accélérée hors du Dollar et la fin de son monopole sur l’énergie
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Etape 4 - Emergence des conséquences en terme de croissance et d’emploi

Le processus d’entrée dans la phase II est donc constitué par la chute brutale et durable des indices des bourses mondiales, dont LEAP/E2020 avait déjà souligné qu’il avait commencé dès le mois de Mars 2006 avec le krach des bourses du Golfe arabique. A cette occasion, il est important de garder à l’esprit qu’une crise systémique affectant un système aussi complexe et vaste que la société globalisée de ce début de XXI° siècle procède par « vagues », de manière non linéaire. Ainsi elle affecte certaines parties du système avant d’autres, tout en paraissant soudain renverser son impact sur d’autres composantes alors que ce sont simplement des transitions, pendant lesquels le système atteint un nouveau seuil de déséquilibre, préalable à un nouvel impact encore plus brutal.

Etape 1 - Chute des bourses mondiales et la liquidation provisoire en Dollars

L ‘étape 1 illustre d’ailleurs parfaitement ce phénomène. Les évolutions conjuguées du Dollar et de l’inflation au cours des derniers mois ont finalement modifié l’attitude des acteurs des marchés financiers en faisant disparaître deux illusions qui sous-tendaient le mouvement haussier des marchés ces dernières années : la solidité du Dollar US et la force de l’économie américaine (ou plus exactement, le caractère négligeable de ses déséquilibres : déficits non maîtrisés, consommation tirée par le crédit, bulle immobilière, …). La disparition de ces deux illusions a plongé les opérateurs boursiers dans un environnement de plus en plus opaque et inconnu, où seule l’évolution des taux d’intérêts paraît compréhensible et anticipable [5]. Ils se focalisent donc désormais sur cet indicateur et dans l’incertitude liquident toutes les positions dont la relation à cet indicateur leur semble problématique ou négative. Cette décision, cumulée avec les conséquences des lourdes pertes subies par les spéculateurs sur les marchés émergents (boursiers et monétaires) [6], entraîne une demande soudaine accrue de Dollars US, devise dans laquelle la grande majorité des positions étaient exprimées : soit pour combler les pertes, soit pour se dégager de positions jugées désormais dangereuses. On assiste ainsi à une remontée « technique » du Dollar qui ne résulte pas d’un choix des investisseurs, mais d’un « point de passage » obligatoire dans le cadre d’un processus de « fuite du risque », dont, le Dollar fait paradoxalement partie et que traduisent les décisions durables des banques centrales chinoise, suédoise, des Etats du Golfe ou encore russe [7] de modifier leurs réserves au détriment du Dollar et au profit de l’Euro.


Etape 2 -- Prise de conscience de l’impasse de la politique des taux US :
vers la stagflation ou l’hyper-inflation ?

Les acteurs financiers et boursiers ont ainsi désormais l’œil fixé sur le seul et unique indicateur constitué par l’évolution des taux d’intérêts fixés par les banques centrales et en particulier celui de la Réserve fédérale américaine. Ce sont en effet les Etats-Unis, du fait de leur rôle central dans le système financier mondial, qui jouent le rôle de catalyseur des espoirs et des craintes ; et dont les autorités financières vont, au cours de cette phase II, accélérer la crise. Le gouvernement et la Réserve fédérale US ont en effet conduit leur économie et l’ensemble des marchés financiers dans une impasse totale. Le retour de l’inflation entraîne en effet une remontée des taux d’intérêt partout dans le monde et la perte de confiance dans l’économie américaine réelle (sur fond de perte de confiance généralisée dans les Etats-Unis) impose désormais un choix dramatique entre deux solutions aux conséquences douloureuses :

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Solution 1 - vers la stagflation : hausse des taux d’intérêt US pour lutter contre l’inflation et préserver la crédibilité du Dollar (puisque seul le différentiel de taux d’intérêt avec l’UE ou le Japon maintient désormais sa valeur relative), mais accélérer l’effondrement de la croissance de l’économie des Etats-Unis, en faisant exploser la « bulle immobilière » déjà en train de se dégonfler rapidement et en cassant la consommation des ménages (sur laquelle repose l’essentiel de la croissance US depuis 5 ans). Inflation, taux d’intérêts élevés et croissance en berne, voire récession, on retrouve ainsi une situation bien connue qui a prévalu au cours des années 70 : la stagflation [8].


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Solution 2 – vers l’hyperinflation : stabilité des taux d’intérêts US (et donc baisse de leur valeur relative par rapport à l’UE et au Japon) pour essayer (sans garantie étant donné l’état actuel de l’économie US [9]) de maintenir la croissance intérieure américaine et provoquer un effondrement du Dollar dont la valeur ne « tient » plus qu’à ce différentiel, entraînant l’interruption brutale du financement par le reste du monde des déficits américains (commercial et public) et donc une crise financière globale. Cette décision bien entendu laisse le champ libre à l’inflation en tentant de privilégier la croissance mais ouvre une période de perte généralisée de confiance qui renforce, avec l’effondrement du Dollar, une très forte pression inflationniste aux Etats-Unis pouvant conduire à l’hyper-inflation [10].

LEAP/E2020 estime que la Reserve Fédérale US, dont les actionnaires sont des grandes banques [11], choisira la Solution 1 car dans le second cas la Réserve fédérale se trouve elle-même marginalisée perdant la possibilité d’utiliser l’un de ses principaux instruments d’action (les taux d’intérêt). Par ailleurs, l’actuel président de la Réserve fédérale est convaincu que parallèlement à une hausse des taux d’intérêt, un apport supplémentaire de liquidités [12] à l’économie permettra à cette dernière de repartir sur le chemin de la croissance [13]

Pour l’équipe de LEAP/E2020, aucune des deux solutions envisageables par les autorités américaines n’étant en mesure de remédier à la crise systémique globale, leur choix sera en fait essentiellement déterminant sur la forme et l’ampleur de la phase III de la crise systémique globale, phase dite d’ «impact ». Le reste du monde ne sera en effet pas affecté de la même manière selon que les autorités américaines choisissent la solution 1 ou la solution 2.

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1. Prévue pour durer de 3 à 6 mois à partir de Juin 2006 (cf. http://www.europe2020.org/fr/section_global/120506.htm )

2. Prévisible et anticipable pour les lecteurs du GEAB (cf. N°2 à N°5)

3. La chute généralisée des bourses mondiales

4. En version française et le 17 Juin dans les autres langues.

5. L’étape 3 va illustrer l’illusion que constitue également cette conviction.

6. Par rapport au début Mai 2006, les pertes des marchés boursiers s’étalent désormais entre 15% et 30% selon les zones. Et pour la plupart des devises des marchés émergents la perte atteint 10% à 20% et pour certains d’entre eux (Turquie, Corée, …) a déjà entraîné de brutales hausses des taux d’intérêt.

7. Source Yahoo/Reuters 08/06/2006

8. Définition stagflation : source Wikipédia

9. Le gouvernement américain et la Réserve fédérale peuvent même décider, en année électorale, une baisse en valeur absolue des taux US pour relancer une machine économique déjà sur le chemin de la récession.

10. Définition Hyperinflation : source Wikipedia

11. La structure de la Reserve fédérale des Etats-Unis est en effet assez archaïque. Elle ressemble à celle des banques centrales européennes d’avant les années 30. Elle a été créé en 1913 et est de facto une banque dont les actionnaires sont des banques privées. Ainsi, le futur Ministre des Finances américain, Henry Paulson, est l’ancien président de la banque Lehman Brothers qui est elle-même un actionnaire important de la Reserve fédérale des Etats-Unis

12.Source : Reserve Fédérale – Novembre 2002 – Discours de Ben Bernanke

13. La suppression de la publication de l’indicateur M3 (voir GEAB N°2 – Février 2006 ) permet notamment d’effectuer simultanément les deux opérations sans que la seconde, la création de monnaie, ne soit aisément décelable.